Convergence RSE IFRS

Progrès observés de la prise en compte financière des éléments de la soutenabilité

Posté samedi 26 mars 2016   Michel Veillard

 

Pourquoi faut-il prendre financièrement en compte les éléments de la soutenabilité ?

De nombreux effets de l’activité économique demeurent hors champ des enregistrements comptables : ainsi par exemple les atteintes à la biodiversité qui découlent de l’artificialisation des sols, due à l’expansion des villes, ne sont jamais prises en considération dans les comptes de résultat des acteurs de l’expansion des villes. Si un impact négatif, tel que les atteintes à la biodiversité, n’est pas enregistré dans la comptabilité des acteurs, alors il n’existe pas pour ces acteurs qui donc ne se préoccupent pas de le limiter du mieux possible.

Les entités économiques, entreprises, associations et collectivités, ont besoin de mesurer les impacts de soutenabilité, tant négatifs que positifs, pour agir afin de les diminuer et resp. les augmenter. En particulier, il est indispensable de mesurer l’évolution de ces impacts après la mise en oeuvre des actions en faveur de la soutenabilité.

Cette mesure passe par des indicateurs, plus ou moins normalisés, parfois obtenus à partir de modélisations très simplificatrices.

Mais cette description chiffrée à l’aide d’indicateurs ne peut pas suffire, parce qu’il faut pondérer les différents impacts sous revue, afin d’arbitrer les actions à entreprendre selon l’importance respective des impacts que ces actions vont diminuer resp. augmenter. Ce que l’on appelle l’intégration des données sociales, environnementales et économiques permet à une Direction de procéder aux inévitables arbitrages parce que les enjeux et les impacts sont décrits d’une manière homogène qui les rend comparables entre eux. Quoi de mieux qu’un système de prix pour étalonner des variables de natures différentes ?

On utilise, consciemment, ou sans le savoir, la démarche d’analyse coûts /bénéfices pour décrire exhaustivement les impacts négatifs et positifs et leur affecter une valeur (une pondération) grâce au choix d’un prix unitaire pour chacun, qui sera multiplié par la quantité mesurée pour obtenir le coût et resp. le bénéfice.

 

Deux exemples concrets récemment publiés

L’Institut national de la recherche agronomique INRA a mené une étude rétrospective sur l’ensemble des impacts négatifs et positifs de l’utilisation agricole des pesticides aux Etats Unis. L’étude est publiée sous le nom de Denis Bourguet dans la revue à comité de lecture Sustainable Agriculture Reviews. Le Monde du 19 3 2016 en rend compte sous la plume de Stéphane Foucart. Le socle de l’étude est une démarche d’analyse globale du cycle de vie des pesticides qui identifie et quantifie les effets négatifs et positifs de ces substances lors de leur fabrication puis lors de leur utilisation et enfin pendant leur très lente dégradation dans l’environnement. Les impacts négatifs cités pèsent annuellement 40 milliards de dollars, à comparer aux bénéfices de production agricole évalués à 27 milliards de dollars par an. Les impacts négatifs sont autant de coûts cachés : environnementaux, sanitaires, réglementaires et évitement des pesticides. Les coûts environnementaux représentent les atteintes aux services écosystémiques, dont notamment la pollinisation par les butineurs. Les coûts sanitaires reflètent les atteintes aux travailleurs, santé publique obérée, ainsi que leur perte de productivité. Les coûts réglementaires sont les frais engagés par l’administration pour contrôler les épandages et pour réparer les dégâts (notamment pour la ressource hydrique) Les frais d’évitement correspondent aux surcoûts pour les consommateurs qui recherchent des aliments dépourvus de pesticides. Des exemples d’impacts négatifs, appelés externalités négatives parce qu’ils ne sont pas internalisés dans la modélisation économique traditionnelle, sont décrits sommairement ainsi : – pertes de rendement agricole dues aux résistances aux pesticides pour 2,3 milliards de dollars, – coût de la sauvegarde des captages d’eau pour 3 milliards de dollars, – mortalité d’animaux, oiseaux notamment, pour 6 milliards de dollars, -traitement des maladies chroniques liées à l’exposition à ces substances (non chiffré dans l’article de presse) Concrètement en conclusion, l’analyse coûts/bénéfices de l’utilisation des pesticides a été très négative pour la collectivité Etats-Unis, à hauteur de 13 milliards de dollars chaque année (40 milliards de coûts et 27 milliards de bénéfices)

 

L’agence internationale (émanation de l’ONU) pour les énergies renouvelables, IRENA, a publié en novembre 2015 un itinéraire pour l’avenir des énergies renouvelables « REmap : Roadmap for a Renewable Energy Future », dont le dossier de presse est accessible par le lien http://www.irena.org/home/index.aspx?PriMenuID=12&mnu=Pri Doubler la part des renouvelables dans le mix énergétique mondial est faisable et coutera moins que de ne pas le faire. Cela économisera chaque année 4,2 milliards de dollars jusqu’en 2030, soit quinze fois plus que les coûts qui seront engagés. Et de nombreux impacts positifs seront obtenus. L’Agence énumère ces impacts positifs, sans indiquer systématiquement leur valeur monétaire : – limiter l’augmentation de la température moyenne à 2°C, – en évitant jusqu’à 12 gigatonnes d’émissions de CO2 pour l’année pleine 2030, – création de 24,4 millions d’emplois en 2030, contre 9,2 millions en 2014, – réduire la pollution atmosphérique pour sauver 4 millions de vie chaque année, – booster le produit intérieur brut annuel mondial à hauteur de 1300 milliards de dollars

 

Prise en compte directe des externalités dans les états financiers des entités économiques Il s’agit des progrès observés en matière de prise en considération financière directe des externalités. A ce jour et à ma connaissance, la pollution climatique, externalité négative « tonne équivalent CO2 » (pouvoir de réchauffement global pendant cent années) est la seule externalité qui ait été directement comptabilisée. La création de plusieurs marchés des droits d’émissions de gaz effet de serre a permis de susciter un ensemble de transactions d’achat et de vente des quotas de gaz à effet de serre non émis. Il en découle une monétisation de la tonne équivalent CO2, qui est enregistrée en comptabilité financière comme un achat (ou une vente chez le vendeur)

Plus généralement, le système comptable financier international en vigueur, IFRS, international financing reporting standards, n’enregistre que les évènements comptables qui ont un prix, que ce soit un prix de marché (« mark to market ») ou à défaut un modèle de prix de marché (« model to market ») On comprend, dans ces conditions, que les impacts révélés par l’analyse globale de cycle de vie n’aient pas de prix de marché, puisque précisément ils sont révélés par une démarche scientiste spécifique qui lève le voile sur leur existence. Ils ne sauraient donc être enregistrés en IFRS.

Toutefois la comptabilité des entités économiques ne se limite pas aux états financiers, elle comporte aussi les comptabilités de gestion (comptabilités auxiliaires pour les stocks, comptabilité analytique pour identifier les marges, contrôle de gestion pour piloter l’établissement et la réalisation des budgets, etc…) Les impacts de soutenabilité, environnementaux et sociétaux, peuvent être pris en compte dans ces comptabilités extra financières. Les travaux menés pour mettre en valeur les impacts sociétaux des actions locales de la MSA en sont un bon exemple, que ce soit pour les impacts auprès des administrés de la MSA ou pour l’emploi direct et indirect et induit. Pour l’Etat, la loi de transition énergétique édicte un prix (qui augmentera chaque année) pour la « tonne équivalent CO2 » et ce montant sera pris en compte dans les budgets des projets de l’Etat, ce qui constitue une représentation monétaire du risque climatique, une monétarisation de l’indicateur « tonne équivalent CO2 ».

 

En France, je peux citer trois propositions comptables qui préparent le terrain pour un enregistrement des externalités dans les états financiers. La Comptabilité Universelle ® a vocation à enregistrer les flux d’externalités, donc s’appuie sur l’établissement de comptes de résultats ad hoc, un impact négatif est une charge et un impact positif est un produit. Voir : http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=37457 La Compta Durable est bilantielle, elle traite des stocks et non pas des flux, elle est centrée sur la préservation des trois capitaux humain, naturel et économique, pour lesquels elle confronte le résultat d’évaluations périodiques (tests d’appréciation/dépréciation) à des seuils ou plafonds à ne pas franchir, ce qu’on appelle la contextualisation du rapportage comptable. La comptabilisation des actifs immatériels proposée par Goodwill Management est une modélisation analytique des composants de la survaleur d’une entité économique (sa valeur de marché diminuée de sa valeur comptable nette) Bercy accepte bien cette proposition comptable et parraine les éditions successives du Thésaurus qui décrit cette modélisation tout à fait pertinente.

 

Convergence à venir des rapports RSE (ESG) avec les états financiers IFRS

Les industriels réclament l’établissement d’une taxe carbone pour qu’une forte incitation économique soit créée en faveur de la décarbonation de l’économie. Il s’agit d’une manière classique de monétariser les émissions de gaz à effet de serre en leur reconnaissant un coût, ce qui provoquera les diminutions des émissions.

Cette idée de monétariser mérite d’être étendue aux externalités reconnues comme « matérielles » (tangibles et pertinentes) pour créer incitation et désincitation, ce que l’on appelle un signal-prix.

Un point de départ naturel pour procéder à cette monétarisation est l’abondante connaissance des enjeux et des impacts qui a été accumulée et qui continue de se colliger dans les rapports RSE , Responsabilité Sociale et Environnementale (ESG, Environmental, Social and Governance) Précisément, ce champ de la connaissance s’améliore de manière doctrinale parce que les acteurs économiques sont très sensibles aux effets économiques (généralement indirects) de la publication de ces informations, qui sont encore peu normées.

La normalisation en cours pour le contenu de ces rapports RSE (ESG) est à base de repérage et généralisation de bonnes pratiques. Elle ne comporte pas de préconisations conscientes en faveur de processus explicites et revendiqués de monétarisation. Par contre, nombre des objectifs intermédiaires qui sont mis en avant, constituent de facto des processus tendant à la monétarisation des enjeux et des impacts.

De sorte que je prédis d’ici dix ans une véritable convergence de ces rapports extra-financiers RSE ESG avec les états financiers IFRS, par le moyen de la monétarisation des impacts tangibles et pertinents.

 

Je vais donc faire maintenant un état des lieux des normalisateurs qui sont à l’œuvre en ce moment, ce sont des entités qui proposent des méthodologies de premier rang, ou des mécanismes d’ aggrégation.

 

UNEP Raising the bars

Au sommet de la création normative, figure l’organisation des Nations Unies pour la protection de l’environnement, UNEP, qui a publié en novembre 2015, juste avant la COP 21, un rapport : Raising the Bar-Advancing Environmental Disclosure in Sustainability Disclosure Relever le niveau-Améliorer la publication des impacts environnementaux et sociétaux (googeliser pour le télécharger)

Les apports que je souligne sont les suivants (traduits de l’anglais par mes soins imparfaits) Au plan mondial, seulement 8% des entreprises publiant des rapports RSE ont décrit leur cible de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre, cohérente avec les recommandations de la science (IPCC, GIEC) 92% ne publient donc pas d’objectif de réduction de leurs émissions. Les rapports RSE doivent rapidement passer de l’actuel focus sur des améliorations incrémentales isolées, à des descriptions précises des impacts environnementaux et sociétaux qui sont la conséquence directe, indirecte, et induite, des activités économiques de de ces entreprises. Les rapports RSE devront catalyser les opérations des entreprises sur leur chaîne de valeur, pour mettre en œuvre les transformations nécessaires pour atteindre les objectifs du développement soutenable, croissance verte et découplage d’avec la consommation de ressources et d’énergie. Il est impératif pour chaque entreprise (qui publie des rapports RSE) de replacer quantitativement ses performances environnementales dans le contexte des limites et des plafonds qui lui sont attribuables quant aux ressources environnementales et sociétales qu’elle peut consommer. Les investisseurs doivent pouvoir se fonder sur des renseignements robustes, exacts, contextualisés (limites et plafonds personnalisés) et comparables, en ce qui concerne la description des performances environnementales et sociétales des entreprises qu’ils sont appelés à financer en fonds propres.

 

GRI, Global Reporting Initiative

Historiquement cet organisme, émanation de la grande fédération des multinationales le World Business Council for Sustainable Development , WBCSD, dont la branche française s’appelle EPE, Entreprises Pour l’Environnement, est le pionnier sur le sujet des rapports extra-financiers consacrés au développement durable des entités économiques. La quatrième édition de leur guide pratique, nommée G4 Guidelines (googeliser pour se le procurer) est une somme (plusieurs milliers d’indicateurs) et traite notamment des critères permettant de caractériser la matérialité (pertinence et tangibilité) des enjeux et des impacts rapportés, ce qui permet maintenant enfin d’écarter le greenwashing. Ce critère de matérialité permet de légitimer techniquement et sociétalement les indicateurs et permet donc le cas échéant d’asseoir une monétarisation pour chacun d’entre eux.

 

 

IIRC, International Integrated Reporting Council Il s’agit d’un concurrent de la GRI, spécialisé dans l’approche organisationnelle des interactions entre sociétal, environnemental et économique. Son titre d’intégrateur correspond à l’idée de maîtriser simultanément et non pas séparément, les trois aspects, sociétal, environnemental et économique, et ce, sous la férule de la finance.

Il propose en somme de faire rentrer le sociétal et l’environnemental dans le financier, ce qui passe évidemment par des monétarisations, à l’instar du fameux prix du carbone.

 

 

SASB, Sustainable Accounting Standards Board

C’est un concurrent de l’IIRC, spécialisé dans l’approche par filière économique pour identifier leurs enjeux et impacts spécifiques de chaque filière.

Ils privilégient donc la substance des enjeux et impacts plutôt que leur appropriation par la finance, ce qui les amène à une approche plus déstructurée que celle de l’IIRC.

Au sein de chacun des trois aspects de la trilogie Environnement, Société et Gouvernance, ils proposent des enjeux et indicateurs d’impacts spécifiques, tangibles et pertinents, et contextualisés (c’est-à-dire mis en regard de seuils et plafonds personnalisés) pour chacune (et pour la totalité) des filières de produits et services. Ceci permet donc la comparabilité intra sectorielle, et c’est aussi un fondement solide pour révéler les valeurs de ces enjeux et impacts sur une base consensuelle au sein de chacune des filières.

Cette approche favorise donc une monétarisation par consensus des parties prenantes (au sein de chaque filière) et elle est à mon avis promise à un avenir brillantissime.

 

Multicapital Scorecard

C’est un dernier-né qui propose une construction et représentation des indicateurs (enjeux et impacts) en pourcentage de leur cible, soit donc une approche 100 % contextualisée qui fait la part belle à l’identification des seuils et plafonds personnalisés pour chaque entité économique.

Comme l’indique le terme de Multicapital, il y a équipondération entre les éléments des trois aspects Environnement, Sociétal et Gouvernance,et avec une attention portée à la préservation des trois capitaux correspondants, laquelle se traduit dans les seuils et plafonds personnalisés qui sont déterminés pour chaque entité économique.

Rien ne s’oppose dans le principe à monétariser ces fameux seuils et plafonds, ainsi que les résultats atteints par l’entité économique.

On pourrait ainsi comparer le budget réalisé avec le budget idéal !

 

 

CORE de GISR : Center for Ratings Excellence de la Global Initiative for Sustainability Ratings

A l’attention particulière des investisseurs (allocataires de capital) un outil pour y voir clair dans la jungle que je viens de schématiser ci-dessus. Cet outil apporte notamment un cadre standardisé pour évaluer les progrès réalisés par une entité économique vers la soutenabilité, et l’outil CORE, pour ce faire, procède par retraitement des données fournies par les sociétés spécialisées de rating ESG et par les évaluateurs tels que Vigeo ou le Carbon Disclosure Project, CDP. Il me semble que les investisseurs seraient satisfaits si une mesure monétarisée des progrès vers la soutenabilité leur était fournie, car cela leur permettrait d’évaluer la congruence entre le résultat (les progrès de soutenabilité ) et l’allocation de ressource (le capital qu’ils fourniront)

 

 

The Reporting Exchange sera mis à disposition fin 2016

La complexité des rapportages RSE ESG a incité le WBCSD (cf supra) et le Climate Disclosure Standard Board CDSB, à lancer le projet d’une plateforme crownfunded (= renseignée par ses utilisateurs) pour expliciter et opérationnaliser à l’intention des entités qui rapportent.

A mon sens une telle entreprise de simplification pour action ne se privera pas de l’outil de monétarisation, qui permet d’intégrer des choux avec des carottes.

J’en profite pour rappeler les trois fonctions de la monnaie : monétariser pour donner une représentation monétaire qui permet la comparabilité, transactionner pour rendre fongibles des éléments hétéroclites, et thésauriser pour transporter la valeur dans le temps.

 

 

CSR Hub

C’est le big data dans l’univers du rapportage RSE ESG, un aggrégateur qui fournit aussi un cadre d’analyse (dashboard tool) pour rapatrier et ordonner les informations que l’on y ramènera. La base de données est constituée de tout ce qui de près ou de loin ressemble à un rapport RSE. Le Hub vise à faciliter la vie des analystes extra financiers en organisant la comparaison entre les entités qui rapportent, au regard des nombreux et peu normés critères RSE ESG.

 

Ce que je viens d’écrire à propos de la monétarisation comme traducteur universel, demeure plus que valable dans ce cas particulier.

 

 

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Monétarisation pour faire cesser la mondialisation du vetement

Démarche de monétarisation pour cesser la mondialisation du vêtement et de ses accessoires

 

Posté le 5 mars 2016

 

Ce qu’on appelle la fast fashion, qui consiste en une rotation très accélérée de pièces de vêtement de très mauvaise qualité, est devenu le modèle dominant de la consommation vestimentaire.

Les inconvénients de ce modèle sont nombreux et significatifs.

Voici un recensement des impacts négatifs de ce système, tels qu’ils apparaissent dans une démarche d’analyse de cycle de vie global, notamment comme en diligentent les entreprises américaines du Sustainable Fashion Apparel.

Le consommateur jouit d’une apparence de pouvoir d’achat parce que les prix sont très bas, mais il est condamné à renouveler sa garde robe sans relâche, de sorte que son budget vêtement est plus élevé que ce qu’il s’imagine (rien de plus onéreux que le bon marché)

Les pièces de vêtement sont réalisées à distance, en Inde et au Bangladesh voire en Asie du Sud Est, par une main d’œuvre exploitée voire maltraitée (Renza Plaza)

Ces pièces de vêtement parcourent donc environ 10 000 km à bord d’un porte conteneur émetteur de CO2 pour aller à la rencontre de leurs acheteurs.

Les tissus utilisés sont soit des dérivés du pétrole, de fabrication très polluante (raffinerie et polymériseuse très émetteuses de CO2) soit des cotons nourris aux intrants agricoles, engrais et phytosanitaires (par exemple, coton de Haute Egypte, qui consomme énormément d’eau du Nil et qui évince les cultures vivrières et affame les habitants et qui épuise les sols arables)

Les procédés industriels de fabrication utilisés dans ces pays sont très polluants, notamment les teintures qui assèchent la ressource hydrique.

Les vêtements une fois poubellisés très rapidement, ne sont pas réutilisables car ils ne se tiennent pas et donc la seule valorisation possible est thermique, ce qui est une solution de désespoir dans une perspective d’économie circulaire.

 

Cette liste déprimante peut faire l’objet d’une quantification grâce aux techniques rodées de l’analyse de cycle de vie. Une fois que nous disposons d’une quantification des impacts, il est possible en théorie de coconstruire des valeurs à affecter à ces inconvénients très graves, afin de disposer d’une incitation monétaire fiable (car cocconstruite avec les parties prenantes) pour diminuer ou supprimer ces externalités négatives. C’est vraiment le cœur de la démarche des coalisés de l’American Apparel Coalition. En particulier ils documentent en permanence une base de données concernant ces divers impacts pour leurs diverses activités, et ils ont restitué ces informations sous une forme synthétique appelée Indice de Higgs.

 

 

Cette manière de faire est punitive puisqu’elle sanctionne financièrement les impacts négatifs. Aujourd’hui on recherche plutôt des approches alternatives qui esquivent la désagréable question de la punition, et propose des solutions non polluantes et très séduisantes. De plus il me semble, sans faire de procès d’intention, que cette approche semble n’être utilisée que dans la perspective de gommer les scandales les plus voyants du système actuel, et il ne me semble pas que quiconque envisage de remettre en cause le modèle mondialisé en s’appuyant sur ces ACCV (Couts dérivés de l’analyse de cycle de vie)

 

La Fabrique Idéale et son label Perpetuel Renouveau travaillent à des solutions alternatives pour en finir avec la mondialisation du vêtement et de ses accessoires. Ces solutions alternatives prennent systématiquement le contre-pied des mauvaises pratiques actuelles. L’émergence de telles solutions est inéluctable tant le modèle actuel est prédateur de notre biosphère. On va donc assister à un mouvement de désinvestissement comme on le voit déjà pour les industries de l’énergie non renouvelable. Les actionnaires des compagnies pétrolières sont en train de se refiler mutuellement la patate chaude, et les ressources financières se reportent massivement sur les industries des énergies renouvelables. De la même manière, les industriels du textile fast fashion vont constater prochainement la fuite de leurs capitaux en direction de la slow fashion qui préserve notre biosphère.

 

Les clients de La Fabrique Idéale contribuent à la création du vêtement en compagnie du styliste, rare privilège de porter son propre modèle unique griffé et tracé. C’est une expérience de consommation exceptionnelle qui apporte au vêtement une familiarité essentielle avec son porteur.

Le styliste délivre un modèle unique et sur mesure ; au commencement ce sera selon le schéma classique patronage et façonnage, mais le progrès technique sera sollicité pour proposer la confectionneuse individuelle assistée par ordinateur, capable de fabriquer le modèle d’après les mensurations et le patron, à un coût beaucoup plus intéressant. La valeur qui est ainsi révélée est la possibilité concrète d’habiller tout le monde avec des pièces uniques sur mesure et crées ad hoc ! Ce qui fera le bonheur des stylistes qui pourront consacrer toute leur carrière à des créations uniques et sur mesures.

Ne seront utilisés que des matériaux français voire européens, dans un périmètre de 1000 kilomètres, transportés par voie fluviale et derniers kilomètres électriques. Ces matériaux sont exclusivement renouvelables : lin, chanvre, laine, coton (bio), soie, cuir… Au commencement les prix d’achat seront élevés mais la croissance des volumes permettra d’améliorer les conditions de production et donc fera baisser les coûts. Les producteurs locaux pourront s’épanouir et utiliser leurs surfaces de production agricole sans concurrencer les cultures vivrières, conformément à notre tradition nationale pour le lin et le chanvre ! Les industriels amélioreront l’innocuité environnementale des procédés de fabrication à la demande de la Fabrique Idéale.

Les clients pourront acquérir le vêtement ou pourront contracter une série de services comportant bien sûr le port du vêtement, mais aussi tous les soins d’entretien et d’ajustement. La Fabrique Idéale se charge dans ce de faire vivre la pièce unique et de la confier le cas échéant à un autre client (de mensurations compatibles) de sorte que chaque pièce est susceptible d’être réutilisée. La fin de vie de la pièce sera optimisée en recyclage et valorisation, au cas où la pièce de vêtement serait très usée.

Au total chaque pièce de vêtement aura une grande durée de vie, sans causer aucune pollution (ou très peu par rapport à la fast fashion) et procurera un véritable plaisir d’usage à son (ses) porteurs. Le régime de prix initial envisagé est celui du haut de gamme, et il devra diminuer très rapidement avec les économies d’échelle, la mobilisation du progrès technique, l’ascension collective de la courbe d’expérience et la multiplication des clients. Par exemple pour une durée de cinq années, minimum exigible de durée de vie d’une pièce unique griffée : 700 euros en première année, 350 en deuxième année, 175 en troisième année et 100 euros les deux années suivantes, quel que soit le porteur (première ou seconde main)

Le porteur du vêtement jouit donc du plaisir de la distinction, pièce unique griffée, de la personnalisation, cocréation et sur mesure, de la sécurité apportée par les services d’entretien, et, à concurrence de 1425 euros, de l’évitement des pollutions des pièces de fast fashion qu’il n’a pas acquises !

Au total il stimule l’emploi artistique local, il ne pollue absolument pas, il se fait un grand plaisir et il aligne sa pratique de consommation avec ses convictions de respect de la biosphère.