Etat de l’art de la monétarisation Octobre 2018

Panorama des tentatives de monétarisation en faveur de la conversion écologique de l’économie
Michel Veillard Lundi 1 octobre 2018 Vinci La Défense

Monetarisation pour conversion ecologique Holiste et systémique
• Pourquoi holiste et systémique
C’est la méthode canonique en climatologie tout comme en économie
• Voir « Trajectories of the Earth System in the Anthropocene »
• Monnaie est une modélisation de l’activité économique
• Actuellement trop réductrice pour décrire les externalités
• Donc élargir son périmètre d’application à celles-ci
Concrètement il faut prendre connaissance de http://www.pnas.org/cgi/doi/10.1073/pnas.1810141115
Cette étude récente explicite la nécessité de l’holisme : « Our analysis argues that human societies and our activities need to be recast as an integral , interacting component of a complex, adaptative Earth System. »
Elle insiste également sur l’approche systémique : « Our systems approach, focusing on feedbacks, tipping points, and non linear dynamics, has adressed the questions of Hothouse Earth »
Elle conclue que les actions devront se fonder sur de nouveaux paradigmes : »Enhanced ambition will need new collectively shared values, principles and frameworks as well as education to support such (tremendous) changes »
Je soutiens la thèse que monétariser dans la vraie vie permet de fournir une représentation qui elle-même permet la fongibilité (mélanger les choux et les carottes)
Monétiser permet de transactionner donc encourage la production d’impacts marchandisables.
Ne pas monétariser ni monétiser inhibe la diffusion et la propagation des actions environnementalement sensées.
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Accord de Paris nous expose à des bouleversements climatiques
• Hothouse Earth peut se déclencher à l’intérieur des 2°C
• Une fois les tipping points franchis, la trajectoire s’oriente vers « Hot House Earth »
• Donc principe de précaution pour éviter l’irréversible
• Et mobilisation générale pour créer les actions et leur coordination
• Coordination qui passe par un langage commun
• Je propose comme vernaculaire la monnaie et donc la monétarisation des externalités
• Parce que la monnaies est un existant dans notre fonctionnement
• Et parce qu’il est autoentretenu et débouche sur des monétisations

La monnaie remplit trois fonctions : représentation des biens et services marchandisés, moyen d’échange standardisé et véhicule de transport dans le temps par conservation de la valeur.
La monétarisation est la première étape nécessaire qui permet de se mettre d’accord sur le périmètre d’action, puisqu’elle permet de reconnaître les valeurs que les acteurs accordent aux objets (impacts) qui sont monétarisés.
Elle présuppose des mesures d’indicateurs physiques renseignant l’impact sous revue.
Je soutiens que le prix unitaire accordé à chaque unité d’impact ainsi décrite, devra avoir pour finalité de déclencher l’action (stimuler ou inhiber la production d’impact)
Les approches expertes complètent utilement cette impérieuse règle d’évaluation.
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Insuffisance des comptabilités actuelles ainsi que des modèles d’allocation de capital
• Les International Financial Reporting Standards – IFRS – externalisent les impacts qui ne sont pas transactionnables.
• Les doctrines d’allocation de capital par les marchés financiers n’ont pas standardisé de mesure des impacts et sont présentement dans le bricolage.
Les comptabilités ne prennent pas en considération les impacts environnementaux et donc les décisions des entreprises ne les prennent pas non plus en considération.
Pour que les entreprises prennent en compte l’environnement il faut créer une financiarisation des impacts environnementaux, ce qui enclenchera leur traitement concret par les entreprises.
Si les entreprises s’y mettent, elles produiront des rapportages (reporting) qui seront standardisables assez rapidement.
Ce qui apportera aux décideurs de l’allocation de capital la grille d’analyse communément acceptée qui leur manque présentement.

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Quelques multinationales ont ouvert ce chantier
• The Conference Board : « Total impact valuation gains momentum among Multinationals Thomas Singer »
• La ville de New York associée à Harvard ainsi qu’avec la banque UBS (sa direction de l’Asset Management) construisent un cadre universel Sustainable investing framework
• Les comptables du Sustainable Accounting Standard Board travaillent d’arrache- pied pour proposer des indicateurs materials/significatifs (pertinents et tangibles) normés par filière/secteurs économiques, permettant la comparabilité intrasectorielle et pouvant déboucher sur les monétarisations et monétisations.

Historiquement le premier exemple d’une telle démarche est celui de Puma qui le premier a construit un compte d’exploitation environnemental.
Les travaux du Conference Board reprennent l’idée et la généralisent à l’ensembles des impacts environnementaux et y ajoutent les aspects anglosaxons de gouvernance et de social (« people »)
https://www.conference-board.org/publications/publicationdetail.cfm?publicationid=7909
A mon sens l’étape qu’il faut maintenant franchir est des monétiser effectivement les impacts environnementaux, et je préconise un système de troc qui permet à chaque participant de faire monétiser sa production d’impact par un partenaire, en échange de la réciproque.
Conclusion de Thomas Singer : « For the practice to gain more appeal accross the globe, the business community must help to improve its key drawbacks-namely, the limited comparability of results given the absence of a standard methodology »
Je travaille actuellement à la réalisation d’un ouvrage destiné aux décideurs financiers et qui leur permettra d’appliquer une analyse financière fondamentale inspirée des paradigmes écologiques les plus impérieux et les plus ambitieux (donc, les plus réalistes)
Cela devra déboucher sur une appréciation boursière des entreprises qui prennent les bonnes décisions, et ensuite il sera possible au marché de normer les impacts positifs et de créer un référentiel exhaustif des bonnes pratiques.
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Le cas difficile de la marchandisation de la biodiversité
• L’argument éthique est qu’il ne faut surtout pas monétariser ni monétiser la biodiversité car cela entraînera sa marchandisation.
• De ce fait les entreprises s’interdisent d’agir pour la biodiversité, au prétexte de suivre ce vertueux précepte.
• Et la sixième extinction des espèces va bon train!
• Prenons donc une valeur de marché, pleinement incitative, pour chaque impact biodiversitaire que la science reconnaît comme material/significatif (pertinent et tangible) et cessons de nous faire des nœuds idéalistes qui n’ont en rien empêché ni accaparement extractiviste de la nature, ni destruction des systèmes de relations internes aux écosystèmes, non plus que les souffrances animales.
Les propositions des multinationales mettent de côté la question de la biodiversité considérée comme immature du point de vue conceptuel, et dont les dépendances et les impacts sont peu immédiatement lisibles.
Ma proposition: chaque valeur de marché de dépendance et d’impact doit être conçue arithmétiquement comme facilitatrice et incitative aux bons comportements, sur le modèle des deux célèbres discussions menée par Nicolas Stern pour le prix efficace du carbone et son actualisation et par Pavan Sukhdev pour la biodiversité.
La légitimité de cette préconisation est de nature démocratique, car elle permet de débloquer la situation figée résultant de l’oppression que notre économie exerce non démocratiquement sur notre environnement, et qui détruit la biodiversité.
Le point de vue des experts, scientifiques de la biodiversité et économistes de l’écologie, sera intégré sous réserve qu’il ne débouche pas sur l’impuissance, c’est-à-dire la non monétarisation et la non monétisation.
Petit rappel : la tragédie des communs découle notamment de l’absence de valeur monétaire pour les ressources communes gratuites qui sont dilapidées de ce fait, et les remèdes apportés par les communautés responsables des communs aboutissent toutes à une monétisation de fait.
Europe: Business and biodiversity Platform

• Pour traiter la question biodiversitaire que les multinationales se sont abstenues d’aborder, la Commission européenne a lancé des études ambitieuses.
• Natural capital accounting and net impact: an investigation into the interlinkages
• « nca-b-at-b-final-net-impact-report_en.pdf »

Natural capital accounting : « identifying, quantifying and/or valuing environmental dependencies and impacts to inform business decision making and reporting. »
Monetary valuation: « additional approch, albeit with limitations, that allows enhanced comparison of trade-offs and a powerful value based perspective to help inform better decisions »
« Quantitative analysis tend to favor single-issue assessments, whilst monetary valuation appears more appropriate for multiple issue assessments, because it allows greater comparison…resources use and impacts are not currently priced at the right level. »

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Connecting finance and natural capital, a supplement to the Natural capital protocol
• « A comprehensive valuation of relevant natural capital-related costs and benefits whether in qualitative, quantitative and/or monetary terms »
• « … New potential business lines… selling carbon or biodiversity credits to developing new services offerings in terms of restoring habitats, or consulting services… »

Je préconise un indicateur socle, la superficie concernée afin que le domaine Biodiversité soit commodément pris en considération, comme le climat l’est avec l’indicateur « équivalent tonne de CO2 »
Ainsi une dépendance universelle est-elle représentée fidèlement : l’emprise des locaux de chaque entreprise.
L’artificialisation des sols –principale cause des atteintes à la biodiversité- est mesurée par les superficies occupées (majorées d’un coefficient 2 pour tenir compte des infrastructures collectives qui complètent les constructions)
Cette superficie est une approximation d’un volume (sol biologique, terre et air) dont les trois dimensions sont pertinentes pour appréhender la biodiversité (par exemple mesure statistique de la diversité en adn dans un volume de sol, qui renseigne notamment sur la diversité microbienne)
Il faut évidemment construire une équivalence entre les dépendances et impacts, et la superficie qui représenterait chaque dépendance et chaque impact. C’est exactement la démarche de l’empreinte écologique!
Le prix unitaire accordé à chaque surface occupée par une dépendance ou un impact, sera choisi conformément aux préceptes déjà évoqués.

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L’achat public, une réponse aux enjeux climatiques
• La commande publique représente dix pour cent du chiffre d’affaires du pays.
• Elle est très réglementée mais présentement elle expérimente des dispositifs permettant de verdir ses achats.
• Le levier le plus puissant à mon avis c’est la recherche de l’offre économiquement la plus avantageuse, dont on peut spécifier qu’elle minore les impacts négatifs et/ou maximise les impacts positifs.

Guide de l’achat public : L’achat public pour répondre aux enjeux climatiques.
https://www.economie.gouv.fr/daj/guide-climat.fr
Cette recherche de l’offre économiquement la plus avantageuse s’appuie sur la détermination du coût total de possession, auquel les spécificateurs ajouteront les coûts des impacts négatifs les plus materials/significatifs (tangibles et pertinents) et déduiront les bénéfices/bienfaits découlant des impacts positifs.
Il s’agit d’un raisonnement coûts/bénéfices qui permet de départager les propositions et qui incite fortement les fournisseurs soumissionnaires à la vertu environnementale.
Evidemment ceci requiert une compétence en soutenabilité que les Acheteurs publics sont en train d’acquérir sur le tas et progressivement, tout en assimilant la détermination du coût total de possession.
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Investisseurs monétisent les impacts positifs

• Les fabriquants d’indices boursiers « trackers » commencent à incorporer le paiement d’une prime environnementale lors du dénouement des fonds dits à Impact positif.
• Cette prime découle du respect de certaines performances environnementales par les investees (entrepises allocataires des fonds dont les titres et prêts sont financés par le fonds à impact positif) ces performances financières étant documentées au contrat d’allocation des fonds.
• La prime est financée logiquement par la surperformance financière des entreprises investees (financées)
Ceci est une démarche très astucieuse originaire de l’université Wharton
Il n’y a pas monétisation directe des impacts positifs, mais bien plutôt mise en évidence des surperformances financières qui sont corrélées à ces impacts.
Le travail de conception est donc centré sur l’établissement de cette corrélation (« attribution ») ainsi que sur l’acceptation de cette détermination finale par les cocontractants.
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Autres exemples concrets de monétisation des impacts positifs
• Social impact incentives : An early test in Mexico (string of diabetes clinics) meaning direct payments to ventures (capital risque) with verifiable impacts…may help nudge companies towards greater impact and help attract financing
• Interests payments of the UBS Optimus Foundation’s loan to Impact Water will be reduced if they hit targets for water purification in Ugandan schools
• Beneficial Returns has agreed to waive the final payments on loans to Sistema Biobolsa and Iluméxico in Mexico if the firms achieve their stated impact goals
• Impact carry: Bamboo Capital’s Arun Asok proposed an impact carry as a way to incentivize fund managers for generating social returns

Le business model est déséquilibré, on est encore dans l’économie du don.
Il reste à trouver des acquéreurs pour ces divers bienfaits, et ma suggestion porte sur les structures qui ne réussissent pas à apurer toutes leurs dettes environnementales, sociales ou de gouvernance, et qui peuvent acheter des impacts positifs à titre de compensation.
Il resterait à organiser un tel marché de la compensation, qu’il faudra bien sûr confier à des processus de type blockchain pour les certifier et les maintenir uniques one shot (pas de marché secondaire des compensations)
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Blockchain pour encourager les impacts positifs: Solar coin
• Cryptocurrency can be used to pay for goods or services from individuals and businesss that accept it.
• Each Solar Coin represents the generation of 1 MWh of solar electricity and is now worth 30 cents
• Solar Coin is believed to be fifty times more energy efficient that Bitcoin (mining inoffensif)

C’est une monnaie complémentaire avec l’obligation de constituer un équivalent en euro pour chaque solar coin émis, ce qui empêche totalement toute création monétaire et donc ne procure pas de ressources financières supplémentaires.
A signaler une expérience assez analogue à Brest qui récompense les comportements décarbonants à l’aide d’une monnaie locale dédiée.
Je pense qu’il faut obtenir le droit de création monétaire, justifiée par la finalité de création d’énergie solaire (non polluante et quasi gratuite en exploitation opex)
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TVA circulaire
• Pour les produits offrant des avantages environnementaux majeurs, baisser le taux de tva.
• Cette subvention peut améliorer le prix de vente des matières premières secondes donc rétablir l’égalité de concurrence avec les matières premières premières, et encourager le recyclage et la circularité.

A mettre en œuvre dans des circuits locaux, notamment des configurations de synergies industrielles.
Il faut veiller à l’innocuité globale de la charge fiscale, donc gérer localement les bonus et malus de tva pour aboutir à une même charge fiscale que dans le système classique.
Pour le coup il se peut que la subvention ne suffise pas à rétablir l’équilibre marchand entre les matières premières premières et secondes.
Et donc je propose de réfléchir à subventionner directement les matières premières secondes au cas par cas afin de rétablir leur égalité de concurrence avec les matières premières premières.
Ce qui est une manière de sanctionner les impacts négatifs (externalités négatives) occasionnés par les matières premières premières.
Plus généralement en matière fiscale, je soutiens l’orientation politique selon laquelle il faut organiser la translation des accises économiques (dont les salaires) vers les accises environnementales (sanctionner fiscalement les externalités négatives) à charge fiscale globale inchangée.

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Science based targets : monétariser les seuils acceptables
• Dans les négociations internationales, s’appuyer sur les connaissances scientifiques ( moins contestables que des jugements de valeur) pour quantifier les responsabilités de chaque nation, par attribution de sa part du fardeau de chaque impact létal (émissions de gaz à effet de serre, artificialisation des sols, destruction d’eau potable…)
• Faire le lien avec les constructions nationales de budgets annuels des nations, qui utilisent un prix pour les grands impacts négatifs: prix du carbone , prix de l’eau potable et prix des écosystèmes fournisseurs de services écosystémiques
• Par analogie procéder de même avec les grandes entreprises, ce qui débouche sur la monétarisation afin de doter les provisions comptables pour réparation des impacts négatifs (charges financières dans chaque exercice comptable)
• Et faire le lien avec les 17 Objectifs du développement durable ODD SDG sustainable development goals

Démarche rationnelle.
Mais il ne faut pas accepter que les acteurs, nationaux comme intranationaux, ne prennent pretexte de l’attribution pour limiter leurs actions ; en matière de gaz à effet de serre et de biodiversité il faut programmer la cessation totale et urgente des impacts létaux, et pas seulement de ceux qui sont attribués à chaque entité.
En d’autres termes, le souci de justice (répartition des responsabilités) ne doit pas absorber beaucoup d’efforts au détriment des actions correctives qui sont urgentissimes.
Et de la même manière la classification normative SDG de toutes les actions à mener ne doit pas faire perdre de vue le critère central de l’urgence absolue (cesser les émissions de gaz à effet de serre et cesser toute artificialisation des espaces vierges)
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Prix européen du carbone
• Les fausses déclarations des entreprises et les manipulations des escrocs à la tva ont énormément dévalué le prix européen de la tonne carbone dans le système dit ETS. (cap and trade)
• Mais les législateurs européens ont réagi en diminuant fortement les quotas gratuits accordés aux entreprises.
• Du coup, le prix de la tonne augmente et devient incitatif et le cap des 25euros devrait être atteint d’ici fin 2018
De très nombreuses entreprises réclament depuis longtemps un prix significatif pour le carbone afin de financer leurs conversions écologiques décarbonantes.
On va donc voir beaucoup d’actions de décarbonation puisque l’équation économique s’améliore, il devient rentable et profitable de diminuer les émissions de gaz à effet de serre.
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Comptabilite universelle marque déposée
• Dans la nouvelle économie climatique il faut récompenser les vertus, c’est possible avec l’adoption de la comptabilité universelle qui ajoute trois domaines de comptabilisation à la finance actuelle
• Il faut donc mesurer et tarifer ces actions et les résultats qu’elles obtiennnent (impacts) ainsi d’ailleurs que celles qui encouragent les salariés à cet effort et celles qui organisent la gouvernance dans cette optique
Pour l’instant on ne peut malheureusement pas trop espérer l’aide des Big Four qui préfèrent conseiller les entreprises pour leur soutenabilité plutôt que changer la comptabilité (leur cœur de métier) pour que l’économie devienne soutenable.
Et puis il faut savoir que les Big Four gagnent beaucoup d’argent dans le conseil fiscal immoral (évasions fiscales légales tant que le tribunaux ne statuent pas ) et ça mobilise les intelligences disponibles chez eux. (Corporate Europe Observatory : « Comptables d’influence, Comment les Big Four inspirent les politiques de l’Union Européenne sur l’évitement fiscal »)

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