Comptabiliser pour hâter la conversion écologique

Comptabiliser pour hâter la conversion écologique

Mieux comptabiliser pour hâter la transition écologique

 

Présentation de la Comptabilité Universelle®

La preuve du concept

Deux exemples montrent comment la puissance de l’outil comptable peut susciter des actions concrètes indispensables. Enregistrer, dans le domaine comptable supplémentaire environnemental, les quantités d’énergie dissipées par évaporation, permet de documenter les gaspillages énergétiques correspondants. Pour bien se faire comprendre, ces quantités d’énergie gaspillées peuvent être mesurées à l’aide de l’indicateur «certificat d’économie d’énergie » qui définit des quantités d’énergie cumulées. Et ces certificats ont une valeur monétaire, un prix qui permet l’enregistrement comptable. Dans la comptabilité actuelle, on n’enregistre que le coût global des énergies, dont une partie est gaspillée mais n’est pas identifiée. Le fait de repérer ces fuites d’énergie est une forte incitation, notamment du point de vue des actionnaires, à la récupération (cogénération) des fuites énergétiques et à leur recyclage dans les processus de l’entreprise (ou dans une symbiose industrielle)

Enregistrer, dans le domaine comptable supplémentaire de l’environnement, les quantités de déchets recyclables (ces déchets constituent des minerais de matières premières secondes) ou réutilisables, permet de documenter les gaspillages environnementaux correspondants (coûts environnementaux d’obtention de ces matières qui sont traitées en déchets) Pour bien se faire comprendre, ces coûts environnementaux d’obtention peuvent être utilisés comme indicateurs de la valeur financière de ces minéraux de matières premières secondes. Le prix de revient des matières premières secondes comprendra donc les coûts de réhabilitation (passer du minerai à la matière première seconde) diminué des coûts environnementaux d’obtention que l’on évitera. Dans la comptabilité actuelle on n’enregistre pas ces coûts environnementaux d’obtention et de ce fait les matières premières premières ont un prix apparent plus faible que les matières premières secondes. Le fait de rétablir la vérité des prix des matières premières premières incite structurellement (par la mobilisation des actionnaires !) à recourir aux matières premières secondes.

 

Pourquoi entreprendre de transformer la comptabilité ?

Il s’agit des jumelles, de la boussole et des lunettes des décideurs des sous-systèmes opérant dans le champ économique.Donc modifier ces représentations contribue à enclencher de nouvelles actions vers la soutenabilité. Ces premières actions auront un retour qui modifiera consécutivement ces mêmes représentations, et ainsi de suite. L’impact de la comptabilité sur les décisions des acteurs économiques est extrêmement considérable, et donc élargir le périmètre des évènements enregistrés en comptabilité aura un très fort impact. Le comportement individuel des participants d’une nuée d’oiseaux et d’un banc de poissons a été modélisé avec succès par la routine simple et élégante que voici : tout se passe comme si chaque participant se calait sur un de ses proches voisins, choisi de manière aléatoire mais pour toute la durée des évolutions, et le suivait fidèlement dans ses manœuvres aériennes ou nautiques. La recherche d’optimisation financière joue, me semble-t-il, le même rôle dans le fonctionnement actuel des économies de tous les pays. Ce mécanisme d’optimisation est très puissant, et les procédures des International Financial Reporting Standards en ont conceptualisé et réglementé les principales implications pratiques. Ceci est maintenant très intériorisé dans les comportements, dans les décisions et dans les représentations mentales. Il serait donc fallacieux d’imaginer réussir à s’en défaire avant que le climat soit parti en cataclysme (« run away climate disruption ») Par contre il est logique, réaliste et déjà entrepris, de modifier dans les esprits la définition de l’optimisation financière. Je propose de modifier le référentiel des profits pour changer les résultats des comportements d’optimisation financière. Un premier exemple illustre bien cette idée de modifier le paramétrage sans changer les traitements : c’est exactement ce que réclament les grandes entreprises qui désirent que soit mis en place un système de prix pour les émissions de gaz à effet de serre.

 

Soutenir la conversion écologique :

de nombreuses entités économiques (entreprises, associations, collectivités locales) s’efforcent de modifier leurs actions pour diminuer les impacts de ces diverses catastrophes qui affectent nos populations. De ce fait ces entités sont amenées à financer des projets qui comportent une part importante de résultats positifs dans les champs climatique, biodiversitaire, etc.., cependant que leurs clients et leurs utilisateurs, ne paient pas le prix de ces suppléments très utiles et importants. La comptabilité universelle permet de faire délibérer les entités avec leurs clients, leurs fournisseurs, leurs financeurs, afin d’identifier-quantifier- certifier ces enjeux et de convenir d’investir autant que nécessaire, et de payer autant que nécessaire .

Mesurer pour agir :

à ce jour, pas ou peu de métrologie traduite dans les comptes, pour les champs du développement soutenable : gouvernance, social, sociétal et environnemental. A ce jour, les externalités positives et négatives n’ont pas été internalisées sur le fondement de normes consensuelles, voire même sur le fondement de calibrages expérimentaux conçus pour entreprendre d’aller dans les bonnes directions.

Critique de la comptabilité actuelle :

théorie de l’Agence, Principal, noeud de contrats…Le Principal reçoit le solde annuel et la comptabilité a pour mission de dégager ce solde en établissant les chiffres incontestables du partage entre le Principal et ses Agents: obsession financière et fiscale, vision extrêmement réductrice… Basculer dans la théorie de l’entreprise copilotée par les parties prenantes , dans la délibération permanente organisée par le chef d’entreprise.

Économisme et financiarisation :

sortir de l’exclusivité épistémologique accordée à la grille de lecture économique, économie mesure de toutes choses. Quitter la surdétermination étouffante induite par l’obligation catégorique de maximiser le profit, qui empêche notamment de financer le maintien de la sécurité, et de financer le remplacement/renouvellement des ressources qui sont consommées ;.. Plafonner les profits annuels (rendement et plus-value) à 3% du chiffre d’affaires annuel, confisquer l’excédent par l’impôt et financer ainsi la conversion écologique.

Objectifs assignés à cette Comptabilité Universelle :

modifier les représentations mentales afin de sortir du totalitarisme économistique/economystique pour basculer dans la soutenabilité, fournir des mesures consensuelles afin d’agir, apporter de nouvelles règles pour réorienter l’activité industrielle et servicielle, ainsi que la consommation.

Moyens à utiliser :

concertation avec les parties prenantes, selon deux étapes ; indicateurs « physiques » et leur coconstruction, puis négociation pour procéder à leur conversion en euros de représentation, permettant de dresser un tableau synoptique des cinq domaines comptables du développement soutenable, on utilise en l’occurrence la fonction de mesure de la monnaie euro, à l’exclusion de sa fonction d’échange et de sa fonction d’épargne… création de quatre alias de l’entité économique sous revue, dans les outils informatiques de comptabilité couramment employés, publication des états chiffrés dans l’Annexe aux comptes financiers, éventuellement certifiables par le commissaire aux comptes.

Contenus de la comptabilité universelle : descripteur des stratégies retenues,

exposées dans quatre champs : gouvernance, social, sociétal et environnemental. Coconstruction des stratégies avec les parties prenantes : inventaire partagé des enjeux, recherche des stratégies possibles, choix d’une stratégie pour chaque domaine du développement soutenable, coconstruction des plans d’actions et des indicateurs de suivi (indicateurs de moyens d’actions , de causalité des impacts et de mesure des impacts)

Bilan d’ouverture pour chacun des cinq domaines comptables

y faire figurer, au titre de l’initialisation du processus qui va apprendre et évoluer, un inventaire d’une externalité négative et un inventaire d’une externalité positive ce qui constituera un point de départ pour imaginer les actions souhaitables, par exemple : le repérage du stock historique des émissions passées de CO2, amène à une prise de conscience d’impact et à la recherche de solutions futures (cesser les émissions) et aussi réparatrices (retour arrière pour ces émissions historiques)

Bilan de clôture pour chacun des cinq domaines comptables

y inscrire l’état atteint par chacune des externalités, positive et négative, au terme de la période sous revue (douze mois, ou éventuellement une autre durée )

Compte d’exploitation-compte de résultat

il rend compte des changements intervenus entre les deux bilans, sous forme d’écritures de charges et de produits, qui correspondent respectivement :
– pour les charges, à une augmentation d’externalité négative ou une diminution d’externalité positive,
– et pour les produits, à une diminution d’externalité négative et à une augmentation d’externalité positive

Nouvelles règles comptables, quelques exemples

l’année n’est pas nécessairement l’unité de temps pertinente, ainsi dix années correspondent mieux àune séquence d’action concrète dans le domaine des gaz à effet de serre ; les chiffres qui ont été enregistrés dans le passé, peuvent être repris et modifiés dans les années suivantes, notamment si les progrès de la connaissance ou l’évolution des mentalités débouchent sur des quantifications différentes ; ces dérogations aux règles de la comptabilité légale officielle sont possibles grâce au consentement des acteurs concernés (décideur et parties prenantes) et parce que la comptabilité universelle est officieuse, expérimentale, elle constitue effectivement la loi des parties prenantes et du décideur entre eux (d’où la possibilité de changer leur loi commune par consensus de ces acteurs)

Comparabilité : la comptabilité financière officielle rend ce service important de permettre auxinvestisseurs de comparer entre elles toutes les entités économiques finançables. Par contre la comptabilité universelle ne permettra la comparaison qu’au sein d’un même secteur économique et au sein d’une même filière, et seulement après que les meilleures pratiques y auront été plébiscitées par adoption généralisée (notamment le choix des indicateurs les plus pertinents)

Non consolidation des cinq domaines comptables afin de garantir une forte soutenabilité :

ceci oblige en pratique à réussir les stratégies dans chacun des cinq domaines, qui ne peuvent se compenser mutuellement. Toute démarche de compensation entre ces cinq domaines du développement soutenable, porte le germe du verchiement puisque des exigences dirimantes sont ainsi effacées.

Domaine comptable de la gouvernance

Nous proposons une stratégie globale à nos clients, au service de la transformation/conversion écologique de leur structure (entreprise, association, collectivité locale) Le premier volet de cette proposition globale doit être mis en oeuvre d’abord, il s’agit de la gouvernance au service du développement soutenable de l’entité. Conseil d’administration ou équivalent (cercle des conseillers du dirigeant) Direction du développement durable ou équivalent (responsable Qualité, responsable Achats) Sensibilisation massive des collaborateursTRICES Plan de formations professionnelles aux techniques soutenables : par exemple bâtiment (isolation) énergie (énergies renouvelables) pour s’approprier les nouvelles techniques qui remplacent l’existant (révolution technologique vers la décroissance heureuse) On utilisera dans un premier temps le coût des actions évoquées ci-dessus, pour en donner une représentation comptable. Puis dans un deuxième temps on pourra constater comptablement les heureux effets de cette structuration de la gouvernance : des actions vers la soutenabilité vont être entreprises et produiront rapidement des effets positifs, qui pourront être attribués à la gouvernance (imputés, affectés pour utiliser la terminologie habituelle de la comptabilité analytique) A cet égard, je signale que nous ne nous interdisons pas de constater plusieurs fois dans plusieurs domaines comptables un même événement (un même fait générateur) Exemple concret :la formation des équipes d’entretien aux techniques et matériaux doux pour le nettoyage des locaux et l’entretien des espaces verts, représente un coût que l’on connaît et qui sera enregistré comme étant un actif immatériel (la formation des personnes a créé des compétences qui permettent d’utiliser les techniques douces et de communiquer à ce sujet avec les usagers) Les produits engendrés par cette formation sont les retombées positives du recours aux techniques douces : beaucoup moins de pollutions chimiques, espacement dans le temps des actions de nettoyage.. Ces deux exemples de produits (au sens comptable) seront constatés à la fois dans le domaine comptable de l’environnement, et aussi dans le domaine comptable de la gouvernance.

Domaine comptable du social

Eu égard à l’ampleur des changements requis par la transformation/conversion écologique, ainsi qu’à son urgence, il est indispensable de débuter la conversion par la construction délibérée du consentement des collaborateursTRICES afin de pouvoir s’appuyer sur leur coopération active et bienveillante. On traitera donc deux dossiers fondateurs : meilleur partage de la plus-value en faveur des salarieEs, et prise en compte des personnes dans leur entièreté (concertation permanente) Le premier thème Partage de la valeur ajoutée, sera décrit comptablement par son impact sur la masse salariale, dont on vérifiera qu’elle augmentera progressivement, toutes choses égales par ailleurs (donc démarche proforma pour simuler la situation théorique « toutes choses égales par ailleurs ») Le deuxième thème Personne dans son entièreté est très délicat à appréhender, et ce seront des approches qualitatives par entretiens et avec des vérifications qui croiseront les assertions des uns avec celles des autres. On obtiendra des qualifications plutôt que des quantifications. Et ce sera laresponsabilité assumée par le consultant, que d’affecter un prix donc une valeur arbitraire à ces indications qualitatives. Ce qui est important et utile, c’est la coconstruction des indicateurs qualitatifs avec toutes les personnes concernées. La représentation monétaire n’est qu’utilitaire, indispensable pour unifier la représentation des cinq domaines comptables hétéroclites et à faire ainsi évoluer les représentations mentales (par exemple : capital humain non substituable >>capital financier fongible)

Domaine comptable de l’environnement

La problématique de la pollution climatique par les émissions d’énergie thermique nucléaire (production de 70% de notre électricité nationale) dans l’atmosphère (toutes les sources d’énergie gaspillée, notamment par la nécessité de refroidir les appareils..) et par les émissions de gaz à effet de serre CO2, CH4, NOx, CFC, H2O, donne lieu à enregistrement de données physiques : joules dissipés dans l’atmosphère (qui augmentent l’énergie climatique et donc qui augmentent l’ampleur du dérèglement climatique) et masse des molécules de ces gaz à effet de serre. C’est ce que l’on appelle une comptabilité-matières. Nous proposons dans un deuxième temps, d’affecter un prix à ces éléments (énergies dissipées et gaz à effet de serre) afin de pouvoir les enregistrer en comptabilité du domaine environnement. Donc discussion avec les parties prenantes pour choisir des prix. Nous préconisons des prix très élevés, pour la raison que les gaz à effet de serre émis aujourd’hui, produiront leurs effets climatiques pendant très longtemps : plus tôt on cessera de les émettre, moins le système climatique se déréglera, et plus on évitera de franchir des seuils de non-retour (par exemple, fonte brutale et complète du Groenland…) Concernant la biodiversité, nous proposons un indicateur qui permet d’impliquer absolument toutes les entités économiques : superficie occupée physiquement par son emprise au sol, majorée d’un coefficient amplificateur (facteur 10 pour prendre en compte les sols artificialisés par la société dans son ensemble, et utilisés pour sa part par l’entité économique sous revue)

 

Perspectives pour la Comptabilité Universelle

Le développement souhaitable des diverses monnaies complémentaires, tant locales que régionales voire nationales, est une convergence avec la mise en oeuvre de la comptabilité universelle qui permet de suivre précisément les échanges et surtout les actifs immatériels qui sont créés grâce aux monnaies qui financent leur création. La convergence, inéluctable selon moi, des méthodologies de rapportage RSE (GRI, IIRC,…) avec les IFRS, pourra s’enrichir des préconisations d’élargissement du périmètre comptable, et surtout de délibération permanente avec les parties intéressées.

La solvabilisation (monétisation) des externalités positives soutenables qui complètent les biens et services traditionnels, garantie par la comptabilité universelle qui modélise efficacement ces externalités positives ; cette solvabilisation va permettre le financement des projets qui produiront les externalités positives. Les nouveaux modèles économiques seront mis en valeur par la prise en compte de leurs vertus économiques dissimulées : fonctionnalisme et ses externalités positives, perpétualisation (à l’opposé de l’obsolescence programmée) et circularisation des modes de production…

 

 

Se référer au « Manifeste pour une comptabilité universelle » dans la collection « Un autre regard » chez L’Harmattan, juin 2012, Michel Veillard et alii